Personne ! C’est probablement ce qu’aurait répondu dans les années 90, la communauté des ingénieurs
à l’origine du réseau. Telle était alors leur volonté : un réseau d’échanges horizontal sans frontière,
libre d’accès et sans contrôle… Aujourd’hui, même si le réseau des réseaux n’a pas à proprement parler
un organe central de décision ou une véritable hiérarchie, de nombreux acteurs publics ou privés
exercent de fait leur pouvoir. Le développement futur de l’internet spatial à orbite basse
pourrait aussi rebattre les cartes de ses accès et contrôles…
Né aux Etats-Unis, le réseau des réseaux s’est développé dans
des structures de recherche soutenues par le département de
la Défense puis dans des universités en mode contributif et
collaboratif, sans véritable règle, ni organisme de régulation.
Rapidement, néanmoins, il a fallu organiser les choses d’un
point de vue technique et des organismes tels que l’ICANN*
ont permis de coordonner l’attribution des noms de domaines
et des adresses IP. D’autres organes et groupes de travail
nationaux ou internationaux tels que l’ISOC*, l’IAB*, l’IRTF*,
l’IETF*, l’IGF*ou l’UIT*... ont participé à l’émergence de
protocoles et de normes techniques indispensables au
développement cohérent du réseau. Ces organismes
regroupent de nombreux acteurs tels que communautés
techniques, chercheurs, représentants de gouvernements,
organisations nationales ou internationales, acteurs de la
société civile ou entreprises du secteur privé… une multitude
de parties prenantes qui ont façonné l’architecture et le
fonctionnement du réseau mais qui ne constituent pas un
véritable "gouvernement d’Internet".
(*: Voir encadré ci-contre)
On a tendance à l’oublier dans l’univers de l’immatériel mais
internet c’est avant tout 1,2 millions de kilomètres de câbles
sous-marins (95 % des communications mondiales), des
antennes, des routeurs et des serveurs… autant d’infrastructures
bien réelles à priori faciles à contrôler. Et certains Etats ne s’en
privent pas. Sous prétexte de maintien de l’ordre public face à
des campagnes de protestation menées sur les réseaux sociaux,
des pays tels que la Tunisie, l’Inde, le Sri Lanka, le Pakistan et
bien d’autres ont été amenés à couper temporairement les
accès au réseau. Au Cameroun, par exemple, le président Paul
Biya a coupé internet pendant près de 6 mois en 2017… D’autres
Etats choisissent de limiter l’accès à internet au seul territoire
national. Ainsi, en Iran depuis 2021, les sites nationaux hébergés
à l’étranger ont-ils été contraints de se relocaliser permettant
ainsi aux autorités d’accéder aux serveurs et aux données.
La Russie a récemment créé une loi pour créer son internet
indépendant capable de fonctionner en dehors du réseau
mondial prenant ainsi modèle sur la République Populaire de
Chine.
Car depuis le début d’internet dans les années 90, l’Etat chinois
défend ses droits à censurer internet en déclarant que le pays
a le droit de gouverner le réseau selon ses propres règles à
l'intérieur de ses frontières. Depuis 1998, la RPC a érigé une
grande muraille numérique en limitant l’accès aux sites
étrangers - notamment ceux des GAFAM¹ - ou en les
contraignant à héberger leurs serveurs en Chine. En protégeant
ainsi son marché national, l’Etat chinois a fait émerger ses
propres champions du numérique, les BATX² et contrôle ainsi
l’ensemble du réseau. On considère aujourd’hui que la Chine
gère une sorte d’énorme intranet puisque le pays a très peu de
points de connexion à l'internet mondial, n'a pas d’opérateurs
téléphoniques étrangers opérant à l'intérieur de ses frontières,
et que contrairement à ce qui se passe sur le réseau mondial,
le trafic internet Chine-Chine ne quitte jamais le pays³…
Cette situation pourrait-elle évoluer avec l’émergence d’un
internet spatial à haut débit performant et accessible ?
Les différents projets menés récemment pourraient-ils rebattre
les cartes d’un réseau de communication essentiellement
terrestre via des millions de câbles sous-marins ? Actuellement,
plus de 50 % des habitants de la Terre, soit près de 3 milliards
de personnes, n’ont toujours pas accès au réseau mondial.
D’après un rapport récent des Nations unies, à eux seuls la
Chine, l’Inde, l’Indonésie, le Pakistan, le Bangladesh et le
Nigéria, regroupent 55 % de l’ensemble des personnes
démunies d’internet.
14 personnes contrôlent internet avec 7 clés secrètes
Si un hacker arrivait à prendre le contrôle de la base de
données de l'ICANN, il contrôlerait presque tout internet.
Il pourrait par exemple rediriger les requêtes vers de faux
sites. A son plus haut niveau, le DNS (Domain Name
System) est sécurisé par 14 personnes à travers le monde
connues sous le nom d'agents crypto, sans confier trop
de pouvoir à aucune de ces personnes. Tous les trois
mois depuis 2010, une partie d'entre eux se réunit et
organisent un rituel ultra sécurisé - la cérémonie de la
clé - pendant lequel les clés du métaphorique verrou
ultime d'Internet sont vérifiées et mises à jour.
L'organisation a sélectionné sept personnes comme
détenteurs de la clé (un mot de passe ultra-sécurisé).
Sept autres personnes ont été choisies comme
détenteurs de "clé de secours", ce qui revient au total
à 14 personnes.
Starlink l’ambitieux projet de la société SpaceX prévoit le
lancement en orbite basse⁴ de 12 000 puis 42 000
minisatellites pour offrir un service internet partout dans le
monde et notamment dans les zones les moins peuplées.
D’autres projets, tels Kuiper d’Amazon (3500 satellites),
OneWeb, société anglo-indienne (648 satellites), la russe
Startrocket (200 satellites) et d’autres à venir (notamment
européen et chinois) se préparent. A la différence de l’orbite
géostationnaire⁵ où sont lancés les satellites actuels, la basse
altitude offre le double avantage d’un débit élevé et d’un temps
de latence infime.
D’autres projets, tel celui de la startup américaine Cloud
Constellation, préparent l’envoi de satellites en orbite basse
pour augmenter les capacités de stockage et assurer la
protection des données contre les cybermenaces.
Mais critiqués en raison du nombre très élevé de satellites
nécessaires à une bonne couverture, les projets de satellites
en basse altitude et notamment celui d’Elon Musk sont ralentis
par l’opposition des astronomes et de la Nasa. Ils y voient un
risque majeur de pollution visuelle lumineuse et de déchets
dans l’espace, de perturbation des observations et de risque
de collision avec d’autres satellites ou même avec l’ISS…
Toutefois, au-delà des nuisances célestes, cette prise de
contrôle de l’espace constitue une menace bien plus grande
pour d’autres acteurs : les régimes autoritaires.
Dans un article de février 2021 paru dans Business Insider,
John Byrne, directeur des services spécialisés dans les
technologies de télécommunication chez GlobalData déclare
que : "le satellite est susceptible de changer la donne car les
gouvernements ne contrôlent pas l'espace. En conséquence,
les gouvernements ont beaucoup plus de mal à réglementer
les contenus accessibles par satellite". Les Etats ont le droit de
réglementer l'espace vertical, par exemple lorsque les avions
voyagent dans leur espace aérien. Dans cette optique, "la
question est de savoir si les satellites en orbite basse seront
considérés comme faisant partie de la zone contrôlée par les
gouvernements ou non", souligne John Byrne.
En attendant le fonctionnement de ces services satellitaires
(dont la rentabilité est parfois remise en question), les réponses
ne se font pas attendre. En décembre 2020, un article de
l'édition russe de Popular Mechanics relate que le
gouvernement russe pourrait infliger des amendes à toutes
personnes ou entreprises qui utiliseraient la connexion internet
de Starlink.
Par ailleurs, le site Business Insider relate que la Russie a le
projet de développer sa propre constellation de satellites
internet Sfera, qui pourrait être lancée en 2024. "Le projet
permettrait probablement au pays de continuer à surveiller
le trafic internet national", indique John Byrne.
Toujours d’après Business Insider, de son côté la Chine travaille
à déployer en orbite basse une méga-constellation de 12 922
satellites. En coordonnant les principaux acteurs de l'industrie
spatiale chinoise, le pays veut lancer le réseau "Guowang"
(ou "réseau national" formé de deux sous-constellations,
évoluant entre 500 et 1 145 kilomètres d'altitude. À terme,
cette méga-constellation pourrait être idéalement placée
pour couvrir le continent asiatique là où SpaceX et Amazon
se focaliseraient sur l'Amérique, puis sur l'Europe. "Guowang"
pourrait ainsi être intégré au projet tentaculaire de nouvelle
route de la soie, cher au président chinois Xi Jinping, comme
redoutable outil de contrôle national et d'influence à
l'international.
*Les instances historiques d’internet
- ICANN : Internet Corporation for Assigned Names and
Numbers. Elle a pour mission d'attribuer des adresses web
numériques à des sites web et à des ordinateurs.
- UIT : Union internationale des Télécommunications, l’agence
des Nations unies regroupe Etats, opérateurs, universités
et organisations pour attribuer dans le monde entier des
fréquences radioélectriques et des orbites de satellite.
- ISOC : Internet Society : promotion du développement
et de l’usage de l’internet
- IAB : Internet Architecture Board, comité chargé de la
surveillance et du développement de l'Internet désigné
par l’Internet Society (ISOC)
- IETF : Internet Engineering Task Force : c’est l’une des Task
Forces de l’IAB chargée des orientations architecturales du
développement et de la promotion des standards de
communication.
- IRTF autre Task Force de l’IAB, l’IRTF se concentre sur les
problèmes de recherche à plus long terme sur les protocoles,
les applications, l’architecture et la technologie.
- IGF : International Government Forum, forum organisé
tous les ans sous la tutelle des Nations Unies.
Le protectionnisme chinois n’empêche pas ses acteurs de partir
à la conquête de nouveaux marchés, notamment en Afrique⁶,
où des opérateurs tels que Huawei proposent des mobiles
chinois très accessibles ou investissent dans la construction
d’infrastructures stratégiques en échange du contrôle sur les
données qui y circulent.
Une influence potentielle y compris dans les pays les plus
développés avec notamment des risques d’espionnage jugés
très sérieux liés à la progression fulgurante de certaines
technologies et applications. La plus célèbre, TikTok, très
populaire auprès des plus jeunes, voire des très jeunes est
celle qui a connu la progression la plus fulgurante pendant le
confinement : 850 millions de téléchargement en 2020, plus
d’un milliard d’utilisateurs en 2021 ! C’est aussi celle sur laquelle
les utilisateurs passent le plus de temps : 52 minutes en
moyenne, 80 minutes par jour pour les 4-15 ans ! Et quand on
sait que "quand c’est gratuit, le produit c’est vous", on peut
s’inquiéter de l’utilisation des données partagées par de très
jeunes utilisateurs.
Menacée d’interdiction sur le sol américain par Donald Trump,
l’application chinoise a enfin été approuvée en tant qu’une
sorte d’entreprise sino-américaine mais faute d’un organisme
international de régulation pouvant exercer des pressions, les
règles d’utilisation n’ont pour l’instant pas évolué. De sérieuses
questions subsistent quant à la vraie propriété et au
fonctionnement de l'application, au transfert des données des
utilisateurs en Chine ainsi qu'à la quantité de données
personnelles qu'elle collecte sur les citoyens et à la manière
dont ses algorithmes pourraient être utilisés pour façonner ce
que pensent ses utilisateurs…
Bien entendu, dans les pays démocratiques d’autres acteurs et
notamment les GAFAM ne sont pas exempts de toute critique
et après une période de "laisser faire", les débats sur les enjeux
de la régulation foisonnent, en Europe comme aux Etats-Unis.
Car, de par leur nombre d’abonnés, l’utilisation de l’intelligence
artificielle et des algorithmes, leur emprise sur le
fonctionnement du réseau est bien réelle.
A titre d’exemples parmi d’autres :
- Twitter a eu la capacité sans précédent de couper la parole d’un Président de la République en décidant de supprimer en moins de 15 minutes, le compte de Donald Trump.
- Google a un impact énorme sur l’accès à l’information sachant
que c’est le moteur de recherche le plus utilisé⁷ dans le monde et que via ses algorithmes, il a la capacité de donner plus ou moins de visibilité à certains contenus. Il peut également promouvoir ses propres produits et services au détriment de services concurrents, tel le comparateur de produits et de prix, Google Shopping, récemment épinglé par la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager…
- Facebook est régulièrement audité pour ses pratiques anti-démocratiques : collecte des données, propagations de propos
haineux incitant à la violence, surveillance, manipulation de
l’opinion, absence de modération et de contrôle sur des trafics
de drogue ou de traites d’êtres humains… cela ne l’empêche
pas toutefois de rester l’un des réseaux sociaux le plus
important : 2,8 milliards d’utilisateurs, 7.38 milliards si on lui
ajoute Facebook Messenger, WhatsApp et Instagram.
- Avec 197 millions d’acheteurs tous les mois dans le monde, le
site de e-commerce Amazon considéré comme le site leader
du commerce en ligne mondial⁸ est régulièrement accusé de
pratiques anticoncurrentielles. Par ailleurs, sa filiale AWS
(Amazon Web Services) domine le marché de l’hébergement
en logeant sur ses serveurs plus de 40 % des applications
logicielles et services web dans le monde. Parmi ses millions
de clients, AWS compte Netflix, Twitter, Zoom, Airbnb, de
nombreuses administrations américaines comme la CIA ou l’US
Navy et 80% des entreprises françaises du CAC 40… Inutile de
dire que le blocage ou une panne de ses serveurs aurait des
répercussions sur le fonctionnement d’internet et de
l’économie mondiale…
Mais ni les amendes à coups de milliards⁹ , ni les menaces des
Etats n'ont réussi à changer la donne, les régulateurs travaillent
désormais à une régulation concurrentielle, note Fabienne
Schmitt, chef du service high tech & médias aux Echos.
"Il s'agit de stopper certaines pratiques et de permettre
l'émergence d'acteurs concurrents, alors que les alternatives
aujourd'hui sont écrasées par ces nouveaux quasi-monopoles
(…) L'autre voie ciblée par les régulateurs concerne le contrôle
des données personnelles. Quelle utilisation ? Quelle protection
? Quel partage forcer entre les concurrents ? Si le RGPD¹⁰ est
une première réponse, elle n'est pas suffisante".
A retenir
- L’origine américaine d’internet explique que le réseau se soit
développé dans le cadre d’une philosophie libérale de "laisser
faire" sans véritables règles ni cadre juridique.
- Les acteurs privés du numérique et notamment les GAFAM
ont acquis une puissance telle que les Etats et les
organisations internationales peinent à les réguler. La plus
active actuellement dans le domaine de la protection des
données personnelles et des pratiques anti-concurrentielles
est l’Union européenne.
- Via les infrastructures, certains Etats autoritaires ont réussi à
totalement contrôler l’accès au réseau dans leur pays. C’est le
cas de la Chine.
- Ce contrôle pourrait éventuellement être remis en cause
avec l’émergence d’un internet spatial en orbite basse.
Le développement de ce nouvel accès à internet permettrait
aussi de développer de nouvelles capacités de stockage.
1- GAFAM : Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft
2- BATX : Baidu (moteur de recherche), Alibaba (e-commerce et hébergement), Tencent (réseaux sociaux, notamment Tencent QQ et WeChat, portails web, publicité, commerce et jeux en ligne), Xiaomi (téléphonie mobile et électronique grand public. 2e constructeur mondial de smartphones en 2021 derrière Samsung et devant Apple)
3- En comparaison : seuls environ 25% du trafic français reste en France.
4- Orbite basse : entre 330 et 1320 kilomètres
5- Orbite géostationnaire : environ 36000 kilomètres
6- Spécialement en Tanzanie, Zambie, Zimbabwe, Ouganda
7- Une moyenne de 90 % de part de marché dans le monde,
à l’exception de la Chine 0 % et de la Russie 46%
8- En 2020, le chiffre d’affaires d’Amazon était de 296,3 milliards de dollars, soit quatre fois plus que celui de son concurrent chinois Alibaba, dont les recettes s'élevaient à 72 milliards de dollars au cours de la période.
9- En deux ans, Google à lui tout seul a été condamné à 8,2 milliards d'euros d'amendes par Bruxelles pour abus de position dominante.
10- RGPD : Règlement général sur la protection des données
Sources documentaires : arte.tv, hellofuture.orange.com, businessinsider.fr, popmech.ru, lebigdata.fr, lesechos.fr
Plus court, plus vite
Personne ! C’est probablement ce qu’aurait répondu dans les années 90, la communauté des ingénieurs à l’origine du réseau. Telle était alors leur volonté : un réseau d’échanges horizontal sans frontière, libre d’accès et sans contrôle… Aujourd’hui, même si le réseau des réseaux n’a pas à proprement parler un organe central de décision ou une véritable hiérarchie, de nombreux acteurs publics ou privés exercent de fait leur pouvoir. Le développement futur de l’internet spatial à orbite basse pourrait aussi rebattre les cartes de ses accès et contrôles…
Né aux Etats-Unis, le réseau des réseaux s’est développé dans des structures de recherche soutenues par le département de la Défense puis dans des universités en mode contributif et collaboratif, sans véritable règle, ni organisme de régulation. Rapidement, néanmoins, il a fallu organiser les choses d’un point de vue technique et des organismes tels que l’ICANN* ont permis de coordonner l’attribution des noms de domaines et des adresses IP. D’autres organes et groupes de travail nationaux ou internationaux tels que l’ISOC*, l’IAB*, l’IRTF*, l’IETF*, l’IGF*ou l’UIT*... ont participé à l’émergence de protocoles et de normes techniques indispensables au développement cohérent du réseau. Ces organismes regroupent de nombreux acteurs tels que communautés techniques, chercheurs, représentants de gouvernements, organisations nationales ou internationales, acteurs de la société civile ou entreprises du secteur privé… une multitude de parties prenantes qui ont façonné l’architecture et le fonctionnement du réseau mais qui ne constituent pas un véritable "gouvernement d’Internet".
(*: Voir encadré ci-dessous)
*Les instances historiques d’internet
- ICANN : Internet Corporation for Assigned Names and Numbers. Elle a pour mission d'attribuer des adresses web numériques à des sites web et à des ordinateurs.
- UIT : Union internationale des Télécommunications, l’agence des Nations unies regroupe Etats, opérateurs, universités et organisations pour attribuer dans le monde entier des fréquences radioélectriques et des orbites de satellite.
- ISOC : Internet Society : promotion du développement et de l’usage de l’internet.
- IAB : Internet Architecture Board, comité chargé de la surveillance et du développement de l'Internet désigné par l’Internet Society (ISOC).
- IETF : Internet Engineering Task Force : c’est l’une des Task Forces de l’IAB chargée des orientations architecturales du développement et de la promotion des standards de communication.
- IRTF autre Task Force de l’IAB, l’IRTF se concentre sur les problèmes de recherche à plus long terme sur les protocoles, les applications, l’architecture et la technologie.
- IGF : International Government Forum, forum organisé tous les ans sous la tutelle des Nations Unies.
A tel point d’ailleurs qu’il ne le quittera qu’à l’âge de trente-trois ans. Son père lui explique
que pour être tranquille dans la vie, il faut être sérieux. Il l’est. Mais à l’orée de la seconde,
la motivation décline. Un conseiller le remotive en lui parlant d’un BEP de comptabilité.
Obtenu brillamment, il rattrape sa route vers un bac G2 où la compta est reine.
Les résultats sont bons. On conseille à Michel de s’orienter vers de longues études.
Mais lui préfère un parcours plus court pour entrer plus vite dans la vie active.
Sa décision est prise, ce sera un BTS. Il enchaîne ensuite sur une maîtrise de gestion.
Comptable en uniforme
On a tendance à l’oublier dans l’univers de l’immatériel mais internet c’est avant tout 1,2 millions de kilomètres de câbles sous-marins (95 % des communications mondiales), des antennes, des routeurs et des serveurs… autant d’infrastructures bien réelles à priori faciles à contrôler. Et certains Etats ne s’en privent pas. Sous prétexte de maintien de l’ordre public face à des campagnes de protestation menées sur les réseaux sociaux, des pays tels que la Tunisie, l’Inde, le Sri Lanka, le Pakistan et bien d’autres ont été amenés à couper temporairement les accès au réseau. Au Cameroun, par exemple, le président Paul Biya a coupé internet pendant près de 6 mois en 2017… D’autres Etats choisissent de limiter l’accès à internet au seul territoire national. Ainsi, en Iran depuis 2021, les sites nationaux hébergés à l’étranger ont-ils été contraints de se relocaliser permettant ainsi aux autorités d’accéder aux serveurs et aux données. La Russie a récemment créé une loi pour créer son internet indépendant capable de fonctionner en dehors du réseau mondial prenant ainsi modèle sur la République Populaire de Chine.
Et puis il a aussi des contraintes, notamment celles du service militaire "Pendant dix mois, à Montauban puis Vincennes" reprend Michel. Là, il endosse l’uniforme du comptable pour
s’occuper de la solde du contingent. "J’étais chanceux avec ce poste tranquille après des classes plus rugueuses", précise-t-il. Juste après l’armée, la chance l’attend encore dans une agence d’intérim. On lui propose de remplacer au poste de comptable une collaboratrice qui s’est cassée la jambe. "En fait, le PMU me met le pied à l’étrier", s’amuse Michel. Il y restera trois ans. Puis d’autres horizons s’ouvrent à lui. Notamment publicitaires chez Publicis Conseil.
Des sociétés de services l’accueillent. Jusqu’à Kaba. Ce spécialiste des portes coulissantes lui ouvre les siennes. "Souhaitant renouveler leur système d’information, ils avaient besoin de mon expérience pour être accompagnés dans ce changement". Les solutions du marché ne plaisent pas à Michel. C’est alors que des consultants de Navision viennent le voir. Leur offre plait au Directeur comptable de Michel et l’implémentation est mise place avec succès. Michel ayant découvert le métier de consultant est tenté par l’activité. Intéressé par la compétence comptable de Michel, Navision lui propose de le former au consulting.
Puis Michel entre chez Colombus, intégrateur AX. Les projets s’enchaînent, spécialement
chez Saint-Gobain Glass. Ensuite, il entre chez Avanade et quelques années plus tard
il intègre l’ESN Viseo.
Premiers contacts
Deux ans après, Flexmind le contacte avec un argument décisif : "Ici tu n’auras pas une kyrielle de projets mais un seul, important et captivant". C’est ainsi que Michel démarre en 2012 sur le projet Geodis et fait la connaissance de nombre de ses collègues d’aujourd’hui. En 2017, il quitte le salariat pour le statut d’indépendant et opère pour le groupe Saur. "Pendant ce temps, Geodis s’était séparé de Flexmind pour rejoindre FiveForty°. Jonathan m’appelle pour me proposer de reprendre en sous-traitant sur Geodis en conservant mon nouveau statut", résume le consultant finance Dynamics.
"De toute façon, quand Jonathan a voulu monter sa structure, je n’ai pas hésité une seule seconde". Celui que la chance n’a jamais lâché précise : "Ici, on ne sent pas le poids de la structure, l’aspect famille est palpable. Ce lien social ajouté à la diversité des clients, c’est ce qui donne envie de bosser avec eux".°
Car depuis le début d’internet dans les années 90, l’Etat chinois défend ses droits à censurer internet en déclarant que le pays a le droit de gouverner le réseau selon ses propres règles à l'intérieur de ses frontières. Depuis 1998, la RPC a érigé une grande muraille numérique en limitant l’accès aux sites étrangers - notamment ceux des GAFAM¹- ou en les contraignant à héberger leurs serveurs en Chine. En protégeant ainsi son marché national, l’Etat chinois a fait émerger ses propres champions du numérique, les BATX² et contrôle ainsi l’ensemble du réseau. On considère aujourd’hui que la Chine gère une sorte d’énorme intranet puisque le pays a très peu de points de connexion à l'internet mondial, n'a pas d’opérateurs téléphoniques étrangers opérant à l'intérieur de ses frontières, et que contrairement à ce qui se passe sur le réseau mondial, le trafic internet Chine-Chine ne quitte jamais le pays³ …
Cette situation pourrait-elle évoluer avec l’émergence d’un internet spatial à haut débit performant et accessible ? Les différents projets menés récemment pourraient-ils rebattre les cartes d’un réseau de communication essentiellement terrestre via des millions de câbles sous-marins ? Actuellement, plus de 50 % des habitants de la Terre, soit près de 3 milliards de personnes, n’ont toujours pas accès au réseau mondial. D’après un rapport récent des Nations unies, à eux seuls la Chine, l’Inde, l’Indonésie, le Pakistan, le Bangladesh et le Nigéria, regroupent 55 % de l’ensemble des personnes démunies d’internet.
14 personnes contrôlent internet avec 7 clés secrètes
Si un hacker arrivait à prendre le contrôle de la base de données de l'ICANN, il contrôlerait presque tout internet. Il pourrait par exemple rediriger les requêtes vers de faux sites. A son plus haut niveau, le DNS (Domain Name System) est sécurisé par 14 personnes à travers le monde connues sous le nom d'agents crypto, sans confier trop de pouvoir à aucune de ces personnes. Tous les trois mois depuis 2010, une partie d'entre eux se réunit et organisent un rituel ultra sécurisé - la cérémonie de la clé - pendant lequel les clés du métaphorique verrou ultime d'Internet sont vérifiées et mises à jour. L'organisation a sélectionné sept personnes comme détenteurs de la clé (un mot de passe ultra-sécurisé). Sept autres personnes ont été choisies comme détenteurs de "clé de secours", ce qui revient au total à 14 personnes.
Starlink l’ambitieux projet de la société SpaceX prévoit le lancement en orbite basse⁴ de 12 000 puis 42 000 minisatellites pour offrir un service internet partout dans le monde et notamment dans les zones les moins peuplées. D’autres projets, tels Kuiper d’Amazon (3500 satellites), OneWeb, société anglo-indienne (648 satellites), la russe Startrocket (200 satellites) et d’autres à venir (notamment européen et chinois) se préparent. A la différence de l’orbite géostationnaire⁵ où sont lancés les satellites actuels, la basse altitude offre le double avantage d’un débit élevé et d’un temps de latence infime.
D’autres projets, tel celui de la startup américaine Cloud Constellation, préparent l’envoi de satellites en orbite basse pour augmenter les capacités de stockage et assurer la protection des données contre les cybermenaces.
Mais critiqués en raison du nombre très élevé de satellites nécessaires à une bonne couverture, les projets de satellites en basse altitude et notamment celui d’Elon Musk sont ralentis par l’opposition des astronomes et de la Nasa. Ils y voient un risque majeur de pollution visuelle lumineuse et de déchets dans l’espace, de perturbation des observations et de risque de collision avec d’autres satellites ou même avec l’ISS…
Toutefois, au-delà des nuisances célestes, cette prise de contrôle de l’espace constitue une menace bien plus grande pour d’autres acteurs : les régimes autoritaires.
Dans un article de février 2021 paru dans Business Insider, John Byrne, directeur des services spécialisés dans les technologies de télécommunication chez GlobalData déclare que : "le satellite est susceptible de changer la donne car les gouvernements ne contrôlent pas l'espace. En conséquence, les gouvernements ont beaucoup plus de mal à réglementer les contenus accessibles par satellite". Les Etats ont le droit de réglementer l'espace vertical, par exemple lorsque les avions voyagent dans leur espace aérien. Dans cette optique, "la question est de savoir si les satellites en orbite basse seront considérés comme faisant partie de la zone contrôlée par les gouvernements ou non", souligne John Byrne.
En attendant le fonctionnement de ces services satellitaires (dont la rentabilité est parfois remise en question), les réponses ne se font pas attendre. En décembre 2020, un article de l'édition russe de Popular Mechanics relate que le gouvernement russe pourrait infliger des amendes à toutes personnes ou entreprises qui utiliseraient la connexion internet de Starlink.
Par ailleurs, le site Business Insider relate que la Russie a le projet de développer sa propre constellation de satellites internet Sfera, qui pourrait être lancée en 2024. "Le projet permettrait probablement au pays de continuer à surveiller le trafic internet national", indique John Byrne.
Toujours d’après Business Insider, de son côté la Chine travaille à déployer en orbite basse une méga-constellation de 12 922 satellites. En coordonnant les principaux acteurs de l'industrie spatiale chinoise, le pays veut lancer le réseau "Guowang" (ou "réseau national" formé de deux sous-constellations, évoluant entre 500 et 1 145 kilomètres d'altitude. À terme, cette méga-constellation pourrait être idéalement placée pour couvrir le continent asiatique là où SpaceX et Amazon se focaliseraient sur l'Amérique, puis sur l'Europe. "Guowang" pourrait ainsi être intégré au projet tentaculaire de nouvelle route de la soie, cher au président chinois Xi Jinping, comme redoutable outil de contrôle national et d'influence à l'international.
Le protectionnisme chinois n’empêche pas ses acteurs de partir à la conquête de nouveaux marchés, notamment en Afrique⁶ , où des opérateurs tels que Huawei proposent des mobiles chinois très accessibles ou investissent dans la construction d’infrastructures stratégiques en échange du contrôle sur les données qui y circulent.
Une influence potentielle y compris dans les pays les plus développés avec notamment des risques d’espionnage jugés très sérieux liés à la progression fulgurante de certaines technologies et applications. La plus célèbre, TikTok, très populaire auprès des plus jeunes, voire des très jeunes est celle qui a connu la progression la plus fulgurante pendant le confinement : 850 millions de téléchargement en 2020, plus d’un milliard d’utilisateurs en 2021 ! C’est aussi celle sur laquelle les utilisateurs passent le plus de temps : 52 minutes en moyenne, 80 minutes par jour pour les 4-15 ans ! Et quand on sait que "quand c’est gratuit, le produit c’est vous", on peut s’inquiéter de l’utilisation des données partagées par de très jeunes utilisateurs.
Menacée d’interdiction sur le sol américain par Donald Trump, l’application chinoise a enfin été approuvée en tant qu’une sorte d’entreprise sino-américaine mais faute d’un organisme international de régulation pouvant exercer des pressions, les règles d’utilisation n’ont pour l’instant pas évolué. De sérieuses questions subsistent quant à la vraie propriété et au fonctionnement de l'application, au transfert des données des utilisateurs en Chine ainsi qu'à la quantité de données personnelles qu'elle collecte sur les citoyens et à la manière dont ses algorithmes pourraient être utilisés pour façonner ce que pensent ses utilisateurs…
Bien entendu, dans les pays démocratiques d’autres acteurs et notamment les GAFAM ne sont pas exempts de toute critique et après une période de "laisser faire", les débats sur les enjeux de la régulation foisonnent, en Europe comme aux Etats-Unis. Car, de par leur nombre d’abonnés, l’utilisation de l’intelligence artificielle et des algorithmes, leur emprise sur le fonctionnement du réseau est bien réelle.
A titre d’exemples parmi d’autres :
- Twitter a eu la capacité sans précédent de couper la parole d’un Président de la République en décidant de supprimer en moins de 15 minutes, le compte de Donald Trump.
- Google a un impact énorme sur l’accès à l’information sachant que c’est le moteur de recherche le plus utilisé⁷ dans le monde et que via ses algorithmes, il a la capacité de donner plus ou moins de visibilité à certains contenus. Il peut également promouvoir ses propres produits et services au détriment de services concurrents, tel le comparateur de produits et de prix, Google Shopping, récemment épinglé par la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager…
- Facebook est régulièrement audité pour ses pratiques anti-démocratiques : collecte des données, propagations de propos haineux incitant à la violence, surveillance, manipulation de l’opinion, absence de modération et de contrôle sur des trafics de drogue ou de traites d’êtres humains… cela ne l’empêche pas toutefois de rester l’un des réseaux sociaux le plus important : 2,8 milliards d’utilisateurs, 7.38 milliards si on lui ajoute Facebook Messenger, WhatsApp et Instagram.
- Avec 197 millions d’acheteurs tous les mois dans le monde, le site de e-commerce Amazon considéré comme le site leader du commerce en ligne mondial⁸ est régulièrement accusé de pratiques anticoncurrentielles. Par ailleurs, sa filiale AWS (Amazon Web Services) domine le marché de l’hébergement en logeant sur ses serveurs plus de 40 % des applications logicielles et services web dans le monde. Parmi ses millions de clients, AWS compte Netflix, Twitter, Zoom, Airbnb, de nombreuses administrations américaines comme la CIA ou l’US Navy et 80% des entreprises françaises du CAC 40… Inutile de dire que le blocage ou une panne de ses serveurs aurait des répercussions sur le fonctionnement d’internet et de l’économie mondiale…
Mais ni les amendes à coups de milliards⁹ , ni les menaces des Etats n'ont réussi à changer la donne, les régulateurs travaillent désormais à une régulation concurrentielle, note Fabienne Schmitt, chef du service high tech & médias aux Echos. "Il s'agit de stopper certaines pratiques et de permettre l'émergence d'acteurs concurrents, alors que les alternatives aujourd'hui sont écrasées par ces nouveaux quasi-monopoles (…) L'autre voie ciblée par les régulateurs concerne le contrôle des données personnelles. Quelle utilisation ? Quelle protection ? Quel partage forcer entre les concurrents ? Si le RGPD¹⁰ est une première réponse, elle n'est pas suffisante".
A retenir
- L’origine américaine d’internet explique que le réseau se soit développé dans le cadre d’une philosophie libérale de "laisser faire" sans véritables règles ni cadre juridique.
- Les acteurs privés du numérique et notamment les GAFAM ont acquis une puissance telle que les Etats et les organisations internationales peinent à les réguler. La plus active actuellement dans le domaine de la protection des données personnelles et des pratiques anti-concurrentielles est l’Union européenne.
- Via les infrastructures, certains Etats autoritaires ont réussi à totalement contrôler l’accès au réseau dans leur pays. C’est le cas de la Chine.
- Ce contrôle pourrait éventuellement être remis en cause avec l’émergence d’un internet spatial en orbite basse. Le développement de ce nouvel accès à internet permettrait aussi de développer de nouvelles capacités de stockage.
1- GAFAM : Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft
2- BATX : Baidu (moteur de recherche), Alibaba (e-commerce et hébergement), Tencent (réseaux sociaux, notamment Tencent QQ et WeChat, portails web, publicité, commerce et jeux en ligne), Xiaomi (téléphonie mobile et électronique grand public. 2e constructeur mondial de smartphones en 2021 derrière Samsung et devant Apple)
3- En comparaison : seuls environ 25% du trafic français reste en France.
4- Orbite basse : entre 330 et 1320 kilomètres
5- Orbite géostationnaire : environ 36000 kilomètres
6- Spécialement en Tanzanie, Zambie, Zimbabwe, Ouganda
7- Une moyenne de 90 % de part de marché dans le monde, à l’exception de la Chine 0 % et de la Russie 46%
8- En 2020, le chiffre d’affaires d’Amazon était de 296,3 milliards de dollars, soit quatre fois plus que celui de son concurrent chinois Alibaba, dont les recettes s'élevaient à 72 milliards de dollars au cours de la période.
9- En deux ans, Google à lui tout seul a été condamné à 8,2 milliards d'euros d'amendes par Bruxelles pour abus de position dominante.
10-RGPD : Règlement général sur la protection des données
Sources documentaires : arte.tv, hellofuture.orange.com,
businessinsider.fr, popmech.ru, lebigdata.fr, lesechos.fr
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